Le Seigneur des anneaux. Le Retour du roi

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Le Seigneur des anneaux. Le Retour du roi

Enfin ! Le traducteur québécois Daniel Lauzon a terminé son marathon. Et la promesse initiée en 2013 est bel et bien tenue. Avec la parution du Retour du roi, troisième et dernier tome du Seigneur des anneaux, le grand oeuvre du Britannique John Ronald Reuel Tolkien (1892-1973) bénéficie d’une version française rénovée, harmonieuse, fluide, aérée. Non que la précédente traduction, due à Francis Ledoux et parue dans les années 1970, soit à jeter aux Orques. Mais elle avait vieilli, datait d’avant les révisions apportées au texte original anglais, et conservait des approximations dont le traducteur, chevronné (quoique plus habitué aux auteurs du xixe siècle), ne pouvait être tenu comptable. Comme l’expliquait l’an dernier Vincent Ferré, directeur de collection chez Bourgois, « en 1972, Le Seigneur des anneaux était une île isolée au milieu de la mer. On a dû attendre cinq ans avant que Christopher Tolkien [troisième fils et exécuteur testamentaire de Tolkien, ndlr] fasse paraître Le Silmarillion, cinq ans avant de comprendre que toutes les histoires qui constituent l’arrière-plan du Seigneur des anneaux n’étaient pas un trompe-l’oeil, que Tolkien les avait réellement écrites ». Daniel Lauzon, fin connaisseur de l’univers tolkienien, disposait, lui, de ce riche matériau quand il a commencé à traduire Histoire de la Terre du Milieu et Le Hobbit.

Les choix les plus voyants concernent les noms de personnes et de lieux. Tolkien, qui y attachait beaucoup d’importance, avait laissé nombre d’indications pour les traducteurs. Daniel Lauzon les a suivies, et creusé les étymologies pour trouver de bons équivalents. Entre autres nouveautés, Bilbon Sacquet est rebaptisé Bilbo Bessac, Frodo et Saruman reprennent leur nom d’origine, Elrond habite Fendeval plutôt que Fondcombe, la forêt de Mirkwood devient celle de Grand’Peur. Gollum reste Gollum, Aragorn ne change que de surnom (l’Arpenteur, jolie trouvaille). En trois tomes, on a le temps de s’y habituer. Apport moins spectaculaire, mais capital, la nouvelle traduction rétablit la cohérence entre Le Hobbit, Le Seigneur des anneaux et ses précieux Appendices, en unifiant les styles et la nomenclature qui sous-tend ces livres-mondes. Poèmes et chansons ont été traduits avec soin, inventivité, et un vrai sens du rythme et de la poésie. Les différents registres de langage sont rendus avec précision, pour des dialogues vivants et incarnés.

L’opération n’est pas sans évoquer ce qui s’est passé pour la musique classique voici quarante ans, avec la révolution menée par les chefs « baroqueux » : dans les deux cas, il s’agit de revenir aux sources pour retrouver une forme de vérité, réparer les erreurs (et les excès) d’interprétation, extirper les anachronismes ainsi que tous les éléments susceptibles d’alourdir et d’assombrir le récit originel. Qu’il s’agit donc maintenant de (re)lire d’un oeil neuf, ne serait-ce que pour oublier la version appauvrie qu’en ont donnée les adaptations filmiques, beaux livres d’images simplificateurs et superficiels. On se souviendra alors que la Terre du Milieu est née sur les champs de bataille de la Grande Guerre, et s’est développée non sur la base d’un synopsis de film d’action, mais autour d’une mythologie d’une incroyable richesse, créée de toutes pièces par un philologue érudit et passionné. — Sophie Bourdais

 

The Lord of the rings : The Return of the king, traduit de l’anglais par Daniel Lauzon, illustrations d’Alan Lee, éd. Christian Bourgois, 528 p., 20 €.

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