Le Rêve de Ryôsuke

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Le Rêve de Ryôsuke

Monsieur Seguin serait content. La chèvre reprend du poil de la bête, c’est même le must-have mondial de la saison. Elle a fait récemment parler d’elle en Egypte, avec le film Ali, la chèvre et Ibrahim, et en Angleterre, où la reine Elisabeth a tardé à rendre son discours au Parlement, exigeant de l’écrire sur un parchemin en peau de chèvre très long à sécher. Voilà qu’au Japon l’animal bêle en beauté dans deux romans radicalement différents, mais ouvertement caprinophiles. Le Rêve de Ryôsuke est signé Durian Sukegawa, l’auteur des Délices de Tokyo. Après avoir regardé une vieille dame pétrir la pâte de haricot rouge dans ce premier roman à succès, adapté au cinéma par Naomi Kawase, l’auteur suit aujourd’hui l’apprentissage d’un jeune garçon suicidaire, qui découvre que le couteau qu’il a planté dans sa propre poitrine peut aussi servir à découper le fromage, et que c’est encore mieux s’il fabrique son cabécou lui-même, avec le lait de ses propres chèvres. Captivant et rugueux, le livre commence comme une histoire de pirates, avec le mystérieux embarquement de trois paumés (dont le héros) à destination d’une île où ils comptent blanchir leur passé. Sur place, ils découvrent une atmosphère méphistophélique dont les chèvres assurent la maintenance malgré elles. Mangées par les locaux, les biquettes voient d’un très bon oeil l’arrivée du fromager en herbe. Retentit alors un bel hymne à la communication homme-animal, dont le livre déroule les couplets avec efficacité.

Dans un tout autre genre, Les Mensonges de la mer, de Kaho Nashiki, déambule aux côtés d’un géographe contemplatif et méticuleux, sur une île de Kyûshû, dans les années 1930. Le chercheur s’intéresse notamment à une montagne où des chèvres « pas farouches, plutôt même effrontées », s’aventurent jusque dans les maisons des humains pour poser leurs séant et barbichette sur les coussins ou les futons. Le bandeau rouge qui ceint le livre annonce que Jirô Taniguchi, récemment disparu, rêvait d’adapter ce roman en manga. A la lecture de cette expédition très visuelle, où la faune et la flore affichent un sérieux aussi imperturbable que magnétique, la vision de ce que le grand dessinateur en aurait tiré devient obsessionnelle. — M.L.

 

 Pinza no shima, traduit du japonais par Myriam Dartois-Ako, éd. Albin Michel, 314 p., 19,50 €.

 Umiuso, traduit du japonais par Corinne Quentin, éd. Philippe Picquier, 198 p., 19,50 €.

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