Le Bal mécanique

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Le Bal mécanique

Aux amoureux d’histoire de l’art et d’histoire tout court, cette passionnante plongée au coeur du très révolutionnaire Bauhaus — aux côtés de l’architecte Walter Gropius dès 1919 à Weimar — et de l’art dégénéré — auprès d’Otto Dix et des galeristes juifs du Berlin d’avant guerre… Si elle s’est diaboliquement documentée sur les mouvements esthétiques des années 1920 à 1940, si elle s’amuse à mêler des personnages authentiques — de Paul Klee à Vassily Kandinsky en passant par la photographe Florence Henri — à ses créatures de fiction hautes en couleur, Yannick Grannec y privilégie avant tout la puissance feuilletonesque d’un récit étiré sur plus d’un siècle. Et elle le conduit « à l’américaine », avec énergie, sens du détail comme de la fresque. Sans négliger les passerelles palpitantes entre présent et passé… Il y a en effet une véritable enquête policière dans ce deuxième roman culotté — le premier, déjà, La Déesse des petites victoires, concernait le mathématicien Kurt Gödel ! — qui ose tous les défis. Passer par exemple de la production de télé-réalité psychologisante à Chicago aujourd’hui aux mésaventures d’artistes du Bauhaus obsédés de fonctionnalité et de collectif. Le lien ? Un enfant juif abandonné dans les années 1930 et devenu peintre alcoolique à Saint-Paul-de-Vence… Ce qui noue et dénoue ce Bal mécanique, dont on comprendra peu à peu le titre, est surtout la force de l’art. Qu’il prétende être juste utile et dépouillé comme dans le Bauhaus, ou tourmenté et accusateur comme chez les expressionnistes. Le beau est toujours bizarre, dit un des personnages, après Baudelaire. Délicieusement bizarre, ce roman à la construction bipartite l’est aussi. Yannick Grannec ne va-t-elle pas jusqu’à se mettre en scène dans un dernier chapitre où tout reste ouvert et rien vraiment résolu. Seulement le plaisir d’une lecture qui décrypte le temps à l’aune de ses oeuvres, et où chaque chapitre commence par la mention, mystérieuse et riche, d’un tableau… — Fabienne Pascaud

 

Ed. Anne Carrière, 540 p., 22 €.

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