L’Arbre du pays Toraja

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L’Arbre du pays Toraja

L’arbre du pays Toraja, en Indonésie, qui donne son titre au roman de Philippe Claudel, est une sépulture. Dans son large tronc creusé, on dépose les corps des très jeunes enfants qui viennent à mourir. Puis « on ferme la tombe ligneuse par un entrelacs de branchages et de tissus. Au fil des ans, lentement, la chair de l’arbre se referme, gardant le corps de l’enfant dans son grand corps à lui, sous son écorce ressoudée. » Le roman de Claudel est lui-même un tombeau, guère dissemblable au fond : entre ses pages souvent très sombres, dans la chair même du livre, l’écrivain a déposé les dépouilles de ceux qu’il a aimés, qui ne sont plus.

Si L’Arbre du pays Toraja est pourtant bien une fiction, le dispositif narratif est d’une grande simplicité, la métaphore pure et émouvante de l’arbre-­sépulture suffisant à donner au roman sa forme close — au coeur du livre, l’écrivain le définit ainsi : « un récit libre dans sa forme, dans son agencement et dans son déroulé ». Une méditation, donc, une suite de réflexions prenan­tes qu’articulent quelques faits succincts : confronté à la maladie, puis à la disparition de son ami Eugène, qui se trouve être en outre son producteur (personnage dans lequel on reconnaît une évocation de l’éditeur Jean-Marc Roberts, décédé en 2013), le narrateur, cinéaste de profession, plonge en lui-même, éprouve son chagrin, rumine des interrogations, ressaisit les souvenirs navrés d’autres amis défunts.

Au centre de ses libres pensées, à la source du désarroi contre lequel il lutte, demeure l’événement qu’est la mort, « la force qu’ont les hommes de ­durer », la faculté d’« apprendre à mourir » à laquelle croyaient Socrate et Montaigne, la capacité à continuer de vivre après la mort de l’autre. « Poursuivre sa vie quand autour de soi s’effacent les figures et les présences revient à redéfinir constamment un ordre que le chaos de la mort bouleverse à chaque phase du jeu. Vivre, en quelque sorte, c’est savoir survivre et recomposer ». Le mouvement profond qui porte L’Arbre du pays Toraja exprime aussi la force miraculeuse de cette volonté de survivre. — Nathalie Crom

 

Ed. Stock, 216 p., 18 €.

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