L’Araignée de Mashhad

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L’Araignée de Mashhad

Iran, 2002. Les femmes de mauvaise vie ne sont pas dignes de vivre. Au nom de ce qu’il croit être un précepte de l’islam, Saïd Hanaï assassine méthodiquement les prostituées occasionnelles qui déshonorent sa bonne ville de Mashhad. Seize victimes au compteur, avant que la police ne mette la main sur cet ouvrier maçon que les médias locaux ont surnommé le « tueur araignée ». Chargés de relater cette affaire, les journalistes Roya Karimi Majd et Maziar Bahari rencontrent et interrogent le criminel, ses proches, ainsi que les différents protagonistes de l’affaire.

Fondé sur un authentique fait divers, le nouveau roman graphique de Mana Neyestani, dessinateur iranien réfugié en France, est passionnant à plus d’un titre. En montrant les déclassés de cette ville sainte du chiisme, des toxicomanes, une prostitution qui ne se cache pas vraiment, L’Araignée de Mashhad rompt avec l’image d’une société iranienne sage et monolithique. Tout n’est pas sous contrôle, dans ce pays de quatre-vingts millions d’habitants. Chez les puissants comme chez les humbles, les lignes de fracture et les tensions sont vives. Entre des progressistes qui lorgnent l’Occident, des responsables qui craignent sans cesse d’être débordés, des fonctionnaires zélés et une populace largement convaincue des bienfaits de la charia, l’équilibre est plus qu’instable. Mais plutôt qu’assainir, mettre au jour, réparer, on préfère donner le change, comme ce juge qui cache les lézardes de son mur avec des calligraphies. Ici, par peur d’être dénoncé, tout le monde triche, ment, fait semblant, et, dans cette gigantesque partie de dupes, malheur à celui qui se fait prendre ! Au fil des entretiens menés par les deux journalistes, comme dans de petites scènes saisies sur le vif, Neyestani dépeint avec talent une société schizophrène dont les contradictions et les zones d’ombre sont aussi complexes et saisissantes que les motifs enchevêtrés d’un tapis persan. — Stéphane Jarno

 

Traduit du persan par Massoumeh Lahidji, coéd. Çà et là/Arte, 164 p., 18 €.

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