La Peau de l’ours

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La Peau de l’ours

Il y a deux ans, dans Comme une bête, Joy Sorman accompagnait le destin d’un jeune boucher fou de viande. L’oeuvre était sensuelle et libre, s’arrêtant sur la caresse de la chair animale comme l’effleurement d’un ventre de femme. Avec La Peau de l’ours, la romancière pousse cette fois plus loin l’union de l’homme et de l’animal, gommant les frontières et creusant l’éternelle question de l’humanité et de la bestialité. Pour filer la métaphore en toute liberté, sa fiction devient fable, avec prologue, métamorphose et légendes. Le résultat est exaltant et mélancolique, réaliste et fantastique.

Telle une princesse, Suzanne, la plus belle fille du village, est enlevée par un ours qui « la veille toute la nuit et la ­retiendra prisonnière durant trois ans, la violant régulièrement ». De cette aven­ture naîtra un enfant-ours, mi-homme, mi-bête. Sauvée, la mère sera jetée dans un couvent et le fils vendu à un montreur d’ours. Commence le monologue de cet exilé, déchu, captif et maltraité. Il traverse les mers rugissantes sur des bateaux, entravé, enfermé dans des cages, vendu plusieurs fois pour des combats d’animaux ou des cirques, « homme invisible et bête incertaine », avant de finir dans un zoo. Seules les femmes comprennent qui se cache derrière cette fourrure, sensibles à sa solitude et à sa force, sa peau de bête et sa conscience humaine.

En choisissant un ours plutôt qu’un singe, Joy Sorman évite le mimétisme entre l’homme et la bête, préférant un grand corps solennel et massif qui sait courir et grimper, se tenir debout et défier le monde de ses yeux perçants. Un être majestueux, inquiétant et prédateur sexuel. La force du livre tient également à son mélange de documentaire et de fantastique. Joy Sorman ne laisse rien au hasard ou à l’approximation, ne donne aucune leçon de morale ou d’anthropomorphisme. Mais elle compose un beau chant funèbre, d’une infinie tristesse. — Christine Ferniot

 

Ed. Gallimard 160 p., 16,50 €.

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