La Légèreté

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La Légèreté

« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé » : au palmarès des vers célè­bres, l’alexandrin de Lamartine fait toujours florès. Sans doute parce qu’il dit joliment l’absence et la séparation, une douleur dont chacun a fait l’expérience. Mais pour comprendre ce qu’a traversé Catherine Meurisse et dont elle fait ici le récit, il faut lire la suite du poème où l’auteur se décrit comme une ombre errante insensible au spectacle du monde… Parce que, le 7 janvier 2015, elle a une panne d’oreiller, la dessinatrice de Charlie Hebdo arrive trop tard pour assister à la conférence de rédaction. Réfugiée dans un immeuble voisin, elle entend les détonations, la fuite des frères Kouachi, veut croire qu’ils ont tiré en l’air, apprend la vérité… Et de battre soudain son coeur s’est arrêté. Comme Luz qui expliquait, dans Catharsis (éd. Futuropolis, 2015), comment le dessin l’avait déserté, Catherine Meurisse raconte ce qui ressemble fort à une noyade. Le sentiment d’être aspirée vers le fond, la panique, l’abrutissement, les pleurs, la tentation de lâcher la bouée, la révolte et puis, après les attentats de novembre à Paris, la rechute.

Convaincue que seule la beauté peut la sauver, cette amie des arts et des let­tres (elle leur a consacré ses précédents albums, Moderne Olympia, Le Pont des arts) se remet à fréquenter les théâtres et les musées, et trouve refuge à Rome, pendant un mois, dans l’enceinte de la Villa Médicis. Son but : marcher dans les pas de Stendhal pour éprouver comme lui un ravissement salvateur, une renaissance dans la contemplation des marbres du Bernin ou des clairs-obscurs du Caravage. Mais que pèse aujourd’hui le romantisme face aux kalachnikovs ? Graphiquement très réussi, ce récit où la couleur bouscule l’habituelle sobriété de son trait a aussi l’élégance d’être léger. Peut-être est-ce là l’alchimie véritable, changer le plomb… en plume. — Stéphane Jarno

 

Ed. Dargaud, 136 p., 20 €.

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