La Fin de la modernité juive. Histoire d’un tournant conservateur

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La Fin de la modernité juive. Histoire d’un tournant conservateur

C’est avec mélancolie que l’historien Enzo Traverso lira son confrère, Jacques Le Rider… Alors que ce dernier revient, dans Les Juifs viennois à la Belle Epoque (éd. Albin Michel), sur le foisonnement culturel de la Mitteleuropa (incarné par Freud, Schnitzler ou Zweig), le premier déplore « la fin de la modernité juive ». « Comme l’Europe centrale de langue allemande a été le berceau de la pensée critique juive entre l’Emancipation et l’Holocauste, la France et les Etats-Unis sont aujourd’hui les centres d’une nouvelle intelligentsia juive conservatrice », assène Enzo Traverso (1) .

Spécialiste de penseurs nomades comme Walter Benjamin ou Siegfried Kracauer, l’historien de la modernité défend une thèse très polémique : la fin de l’antisémitisme, de l’exclusion des Juifs, les a fait entrer dans le rang du conformisme, voire de l’oppression. La mémoire de la Shoah a même perdu son potentiel critique ; religion civile officielle, elle « embaume » l’histoire et masque les formes de racisme contemporaines — l’islamophobie surtout, le musulman ayant, aux yeux de l’auteur, pris la place du Juif. « Personne ne regrettera la fin de l’antisémitisme, mais l’exclusion et la marginalité des Juifs, en les forçant à penser contre — contre le pouvoir, contre les idées reçues, contre les orthodoxies et contre la domination —, avaient stimulé une créativité et engendré un esprit critique d’une puissance exceptionnelle. » Jadis subversifs, maintenant « respectables », les intellectuels juifs sont devenus les « idéologues de l’ordre dominant ».

Dans la ligne de mire de l’historien, la pensée d’un Finkielkraut, auteur d’Au nom de l’autre. Réflexions sur l’antisémitisme qui vient, mais surtout la politique israélienne. Traverso récuse l’amalgame entre antisémitisme et antisionisme, qui n’est pour lui qu’une « astuce » permettant de « neutraliser » toute critique d’Israël. « Israël a mis fin à la modernité juive. Le judaïsme diasporique avait été la conscience critique du monde occidental, Israël survit comme un de ses dispositifs de domination. » Militante et discutable, cette thèse ne risque-t-elle pas surtout d’essentialiser le Juif, d’en faire un éternel paria ?

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