La Femme au colt 45

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La Femme au colt 45

Cela faisait longtemps qu’on n’avait plus lu Marie Redonnet — Diego, son dernier roman, était paru en 2005 —, mais la manière et l’univers de l’auteure de Forever Valley (1987), de Nevermore (1994), sont trop particuliers pour qu’on les ait oubliés. Il est même probable qu’ils nous ont manqué. C’est le sentiment qu’on éprouve, ouvrant La Femme au colt 45 et voyant avec quelle évidence, quelle urgence on se fond dans ce nouveau texte, on l’adopte. A moins que ce soit l’inverse, que ce soit lui qui nous reçoive, lui dont l’extrême dépouillement nous permet dès les premières lignes de nous faire une place tout contre Lora, celle qui donne son titre au livre. Lora vient de franchir un fleuve, une frontière. La voici clandestine à Santaré, « le point de rencontre des errances et des naufrages d’une humanité à la dérive ». Lora a fui son pays, un régime politique harcelant, abandonnant une carrière de comédienne, un mari homme de théâtre, un fils. De cette vie révolue, elle n’a gardé que quelques vêtements, des bijoux dont elle se verra vite dépouillée. Bientôt ne lui reste plus que ce colt 45 que lui a transmis son père. Une arme à laquelle elle s’accroche, comme à un fétiche, alors même que les événements qui se succèdent lui prouvent qu’elle ne la protège en rien…

Le dispositif narratif tient de l’art dramatique : à intervalles réguliers, quelques lignes factuelles, sortes de didascalies, annoncent un changement de décor, de costumes, puis Lora reprend la parole pour raconter sa situation errante : les lieux où elle vit, les individus qu’elle rencontre. Dans cette disposition textuelle minimaliste, Marie Redonnet fait tenir tout ensemble la métamorphose de Lora, le voyage initiatique qu’elle accomplit dans son exil et un reflet incroyablement précis de l’état de notre monde (violence politique, réfugiés, dérives religieuses extrêmes…). Livre intimiste, La Femme au colt 45 est ainsi, dans un même geste formel, une fable politique d’une grande acuité. — Nathalie Crom

 

Ed. Le Tripode, 116 p., 15 €

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