Jours d’exil

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Jours d’exil

Le bandeau rouge qui enserre ce livre, tel un brassard de manifestant autour d’une manche retroussée, annonce : « Une saison au lycée Jean-Quarré ». Une saison en enfer ? Une saison au sens sériel du terme ? Les deux, conclut-on, à la lecture de cette chronique d’un épisode oublié, disséminé, enfoui dans notre mémoire de citoyen. L’été 2015, entre deux déflagrations terroristes, une parenthèse tenait, serrés entre ses bras, des centaines d’exilés sans papiers dans les locaux du lycée Jean-Quarré, à Paris. Le hasard, qui occupe une grande place dans ce livre, a fait que Juliette Kahane passait par là, en voisine, en curieuse, en militante, en récalcitrante, en amoureuse, en révoltée. En écrivaine, surtout, car c’est son écriture loyale et ardente qui fait le prix de ce récit. Elle ne sait pas pourquoi elle a franchi les murs de cette terre d’asile provisoire, et ce doute sur sa motivation profonde s’exprime au détour de chaque phrase. Consciente de se réfugier au milieu des réfugiés, d’errer au milieu d’errants, de scruter au milieu de scrutateurs, de somnoler au milieu de somnolents, elle se tient là, aussi intérieure qu’extérieure, avec ses propres raisons, et les raisons des autres.

Aucun nombrilisme dans son questionnement, juste de la pudeur et de l’honnêteté, en un mot : de la décence. Qu’il s’agisse des réfugiés, des bénévoles, de son compagnon ou d’elle-même, Juliette Kahane décrit chaque être humain avec la même droiture et la même authenticité. Ce principe d’égalité chevillé à la plume, elle sert des tranches de vie qu’on savoure sans en connaître la composition. Chacun ayant droit à sa part de mystère, le silence étant parfois la meilleure combinaison de survie pour affronter le changement, le déroulé du passé n’a pas droit de cité. Même lorsqu’elle héberge chez elle, Juliette Kahane ne questionne pas, elle accueille, reçoit, accepte ce que l’autre lui donne, souvent à son insu. Dans sa vie comme en littérature, elle se tient à la juste place, et offre une place à chacun.

Et surtout, elle avance. Comme tous ceux qui vivent autour d’elle. Le cheminement, cet enchaînement des secondes qui dessinent une destinée individuelle et collective, voilà ce que saisit ce livre magnétique, en mouvement permanent. Juliette Kahane dit admirer les réfugiés pour leur « intrépide légèreté ». Une qualité dont elle fait preuve à chaque mot qu’elle écrit, dans un formidable élan de vie. — Marine Landrot

 

Ed. de l’Olivier, 188 p., 18 €.

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