Etre ici est une splendeur

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Etre ici est une splendeur

« Je sens en moi une trame douce, vibrante, un battement d'ailes tremblant au repos, retenant son souffle. Quand je serai vraiment capable de peindre, je peindrai ça. » Lorsqu'elle écrivit ces mots, Paula Modersohn-Becker (1876-1907) n'était pas encore une artiste, mais une jeune femme aspirant à le devenir (1). Bien consciente des limites qui l'entravaient encore, mais résolue à ne pas céder sur son dessein – qu'elle aurait pu énoncer comme le faisait Cézanne, qu'elle admirait entre tous les peintres : « Je vous dois la vérité en peinture et je vous la dirai. » C'est cette obsession de la vérité qui a frappé Marie Darrieussecq la première fois qu'elle s'est trouvée face à un tableau de l'artiste allemande : sur la toile figurent une mère et son enfant qui « se câlinent du bout du nez », et dans cette scène de tendresse, « ni mièvrerie, ni sainteté, ni érotisme : une autre volupté. Immense. Une autre force. Tout ce que je savais en regardant cette toile, c'est que je n'avais jamais rien vu de tel ».

Autant qu'un récit biographique, nourri des lettres et des écrits personnels de Paula M. Becker – morte à 31 ans, dix-huit jours après avoir donné naissance à sa fille, Mathilde —, c'est une réflexion sur son geste esthétique que mène Marie Darrieussecq dans cet opus précis, épuré, profond. Une interrogation sur la nouveauté et le secret de l'intensité de cette peinture sans ombre ni perspective, centrée sur le motif féminin, à laquelle s'est vouée celle qui fut par ailleurs l'amie de Rilke et de son épouse, la sculptrice Clara Westhoff. Visages de jeunes filles ou corps de femmes, sur les toiles de Paula M. Becker figurent « de vraies femmes. J'ai envie de dire des femmes enfin nues : dénudées du regard masculin. Des femmes qui ne posent pas devant un homme, qui ne sont pas vues par le désir, la frustration, la possessivité, la domination, la contrariété des hommes », écrit Marie Darrieussecq. Des femmes vivantes et présentes – et dans cette représentation, quelque chose de très proche de « la splendeur du vrai », dont, avant Cézanne, Plotin faisait la définition même de la beauté.

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