Japon, de nos jours. Reika et Yôko, deux étudiantes qui arrondissent leurs fins de mois en travaillant pour une grosse firme de software, se retrouvent soudain parachutées dans un univers labyrinthique et familier. Plus elles explorent cette enfilade de pièces identiques et d’escaliers qui ne mènent nulle part, plus elles arpentent cet univers désincarné où rôdent d’étranges créatures, plus l’invraisemblable vérité s’impose : les voilà prisonnières d’un jeu vidéo…
Si, depuis le film Tron, en 1982, la traversée de l’écran, le voyage dans le monde vidéo-ludique titillent l’imaginaire des auteurs, le thème n’a pas fait florès. Les oeuvres qui ont vu le jour sont peu nombreuses et s’adressent souvent à un public d’initiés. Ce n’est pas le cas de Dédale. A l’évidence, Takamichi, le mystérieux mangaka qui signe le scénario et les dessins, a passé de longues heures en tête à tête avec sa console, et son manga fera sûrement sourire plus d’un gamer. Pour sortir de ce monde parallèle, les héroïnes utilisent en effet des codes de triche, jouent avec les propriétés de certains objets, le mouvement perpétuel, la synchronicité, les algorithmes, bref surfent avec maestria sur la logique inhérente à certains jeux vidéo.
Mais, et c’est la grande performance du mangaka, ce tandem mal assorti, ces deux personnages si différents sont incroyablement crédibles et attachants. Deux petites bulles d’humanité, deux anomalies biologiques plongées dans un univers de perfection numérique où tout est ordre, calme et symétrie. Reika, surtout, retient l’attention. A petites touches, l’auteur brosse le portrait d’une jeune femme à part, une évadée de la vie qui trouve le monde des jeux bien plus exaltant que celui où elle est condamnée à vivre. Inattendu, singulier et fort heureusement concis (deux volumes seulement !), Dédale a été cette année l’un des coups de coeur des libraires japonais, et ce n’est que justice. — Stéphane Jarno
Ed. Doki Doki, 2 tomes, 244 p., 8,50 € chacun.
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