Dans la forêt

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Dans la forêt

Inédit en France, mais grand succès aux Etats-Unis lors de sa parution, en 1996, ce livre apocalyptique et intimiste pourrait agrandir la liste des bons vieux romans d’anticipation que s’arrachent les Américains depuis l’élection de Donald Trump, aux côtés de 1984 ou Fahrenheit 451. C’est un véritable trésor qui nous parvient aujourd’hui, après vingt ans de silence, de sommeil, d’hibernation, pendant que le monde réel agençait son chaos. Quoi de plus normal qu’un livre sur le repli et la résistance demeure en retrait si longtemps, avant de ressurgir pour diffuser son message d’espoir ? Dans la forêt raconte l’isolement et la survie d’une famille américaine, dans un pays dévasté par une catastrophe politique non identifiée, sans électricité ni essence, sans âme qui vive ni ravitaillement possible.

Le livre s’ouvre sur une fête de Noël qui réunit deux soeurs, mimée autour d’un vide abyssal, dans une chorégraphie presque chaplinesque. Pas de dinde à déguster, pas même la certitude qu’on soit le 25 décembre et, surtout, pas de parents à embrasser. Mère s’est éteinte la première, après avoir acheté les derniers bulbes de tulipes rouges disponibles dans le pays. Père n’a pas tardé à suivre, la cuisse pulvérisée par sa tronçonneuse, au cours d’une imprudente sortie en forêt. Jean Hegland plante le décor de désolation, énonce l’hécatombe. Et pourtant, la féerie s’immisce dans l’horreur, l’imagination tue l’abomination. Un vieux chausson de danse, un sachet de thé décoloré, le souvenir même d’une musique : tout peut redémarrer à chaque instant par la magie de la pensée. La puissance du roman tient à cet art de faire surgir la beauté scintillante des héroïnes, au plus noir de leur destin. Mais c’est surtout l’inventivité de la romancière (sa multiplication des imprévus, son dynamitage des clichés) qui éblouit de bout en bout. Le titre original introduit l’idée de mouvement, d’enfoncement, d’enfouissement à l’intérieur de la forêt. Il faut se laisser happer par ce livre-refuge aussi dévorant que régénérant, qui montre qu’on peut toujours se fabriquer un nid douillet avec des broussailles. — Marine Landrot

 

Into the forest, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Josette Chicheportiche, éd. Gallmeister, 302 p., 23,50 €.

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