Comme l’ombre qui s’en va

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Comme l’ombre qui s’en va

Le 4 avril 1968, James Earl Ray assassine Martin Luther King à Memphis. FBI, Interpol, toutes les polices le recherchent, croisant les témoignages qui le disent mort, d’autres qui affirment l’avoir vu au Mexique, au Guatemala, en Jamaïque ou à Cuba. Ray, depuis son enfance misérable, a enchaîné les séjours en prison. Lecteur d’encyclopédies et de romans d’espionnage, il s’échappe d’une prison du Missouri en avril 1967, traverse les Etats-Unis au volant d’une Ford Mustang 1966, se fait refaire le nez. En un peu plus d’un an, après le meurtre de Martin Luther King, sa cavale le conduit dans cinq pays et quinze villes, de Toronto à Londres, en passant par Montréal ou Genève. Echouant à Lisbonne, il cherche à passer en Angola ou en Afrique du Sud, mais il retournera finalement à Londres où il sera arrêté. Antonio Muñoz Molina suit sa piste aux Etats-Unis, au Canada, mais c’est surtout à Lisbonne qu’il cherche à comprendre l’itinéraire et le comportement de l’individu traqué : l’hôtel où il descendit, ses errances dans les coins interlopes de la capitale portugaise, les angoisses d’un type paumé aux chaussures en cuir de crocodile qui doit affronter les regards des fonctionnaires pour obtenir un visa.

Lisbonne, le grand Molina l’avait découverte en 1987 — alors fonctionnaire à Grenade et jeune romancier, il voulait repérer la ville où devait se dérouler son roman d’alors, L’Hiver à Lisbonne. 1968, 1987 : deux dates, mais surtout deux quêtes pour Molina. Celle d’un homme digne d’une fiction, James Earl Ray, devenu Ramon George Sneyd sous son nom d’emprunt. Et celle de l’écrivain lui-même, l’homme qu’il était il y a trente ans, les ambitions d’écrivain qui le consumaient. Revenu à Lisbonne pour écrire ce superbe livre, Comme l’ombre qui s’en va, l’Espagnol découvre une nouvelle fois la ville et se souvient de celle de ses jeunes années : « Lisbonne, c’était observer la clarté depuis l’ombre, l’espace depuis les recoins, rencontrer l’exotique à côté du provincial, les visages noirs, les couleurs et les odeurs de l’Afrique à côté des confiseries et des éventaires ambulants de marrons grillés, leur odeur se fondant dans l’air un peu froid de l’après-midi déclinant. » — Gilles Heuré

 

Como la sombra que se va, traduit de l’espagnol par Philippe Bataillon, éd. du Seuil, 448 p., 22,50 €.

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