Celui qui va vers elle ne revient pas

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Celui qui va vers elle ne revient pas

« Celui qui va vers elle ne revient pas », dit le judaïsme. Elle, c’est l’hérésie. La crise de foi n’admet pas d’aller-retour. Dans cet ahurissant récit à la première personne, à la fois méticuleux et poignant, Shulem Deen, un Américain quadragénaire, en témoigne. Au bout de vingt ans d’enseignement talmudique, sa vie au sein d’une stricte communauté hassidique au nord de New York lui a paru peu à peu absurde. Plus l’un de ses camarades lui assénait les motifs rationnels de croire au Dieu des Juifs, plus sa foi irrationnelle lui semblait… déraisonnable. Au point d’être finalement sommé de quitter ce curieux shtetl contemporain.

Sa vie nous plonge jusqu’à la suffocation dans un univers ultra-ritualisé, coupé de la société actuelle, où l’on parle mieux le yiddish que l’anglais et où l’on ne se défait jamais de l’uniforme du croyant : lourd costume noir, toque en fourrure ou chapeau à large bord et longues papillotes sur les tempes. Les mariages sont arrangés et il faut un rabbin compréhensif pour expliquer vaguement quel est ce « service de lit » que l’époux doit ­accomplir deux fois par semaine…

Un poste de radio écouté la nuit — debout sur une chaise, l’oreille contre l’appareil —, puis le diabolique Internet ont attisé la curiosité du narrateur pour le monde extérieur. Bientôt, Shulem Deen épanche ses doutes sur un blog, Hasidic Rebel — le rebelle hassidique. C’est l’épiphanie harmonieuse du ­témoignage : la belle ouverture au monde, la première visite (infructueuse) dans un bar new-yorkais, la première oreille amie qui écoute sa métamorphose… Et l’aide portée à ceux qui, comme lui, rêvent d’études non ­religieuses, d’une vie loin de tout fanatisme, qu’ils soient croyants ou non.

Shulem Deen l’a payé cher : après son divorce, il n’a plus vu ses enfants, élevés dans le rejet de l’hérétique. Au xviiie siècle, explique-t-il, le hassidisme fut détourné de ses objectifs ­libérateurs pour devenir un rite autoritaire où ignorance et obéissance sont les ferments de la foi. Toutes les religions ont leurs extrémismes. Tous ceux qui les subissent n’ont pas la force de s’en sortir, et de le raconter… — Aurélien Ferenczi

 

All who go do not return, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Karine Reignier-Guerre, éd. Globe, 416 p., 22 €.

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