Bonsoir, la rose

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Bonsoir, la rose

Ce livre vaut le détour par la singula­rité de son thème : ce n’est pas si fréquent que la littérature chinoise s’intéresse aux réfugiés juifs de Mand-chourie, qui fuirent la Sibérie pour la Chine juste après la révolution d’Octobre. L’une des héroïnes de ce roman d’une grande force émotionnelle, signé Chi Zijian, est une vieille dame juive d’origine russe, qui survit dans la jungle capitaliste de la Chine d’aujourd’hui en louant une chambre de sa maison à une jeune fille célibataire, employée dans une agence de presse.

Le mystère qui enveloppe la logeuse, porteuse d’un secret depuis sa jeunesse, fait le prix de ce livre : Chi ­Zijian a le don des scènes brèves et ­cathartiques, d’une grande sensibi­lité, où l’âme de ses personnages vibre intensément. La romancière a pris le soin d’entourer la femme âgée de jeunes biches aux abois aussi seules qu’elle — dont la narratrice, née à la suite d’un viol sur la tombe de son grand-père et incapable de mener à bien sa vie sentimentale. Construit sur l’effet miroir de la rencontre entre la locataire et la propriétaire, le récit lève le voile sur les traumatismes de chacune avec une pudeur extrême. « La mélancolie a sa beauté, une beauté que l’intéressée doit savourer dans la solitude », dit la plus jeune.

Voilà toute l’originalité de Chi Zijian (prononcer Tcheu Tzeukienne, dit la traductrice Yvonne André) : chez elle, la mélancolie est légère, aérienne, comme les flocons de neige qui saupoudrent les fleurs au printemps, dans le Grand Nord où elle est née. — Marine Landrot

 

Wan an mei gui, traduit du chinois par Yvonne André, éd. Philippe Picquier, 192 p., 20 €.

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