Bâtisseurs de l’oubli

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Bâtisseurs de l’oubli

Tantôt Pantagruel, tantôt enfant gâté, Marc Barca, dit « le Mama », se voit en bâtisseur, apposant sa marque indélébile sur un paysage de sable et de vents. Roi du béton, il construisit dans les ­années 1970 un « paradis lacustre » du ­côté de Sète, Saint-Gilles et Lunel. La Grande-Motte dressait alors ses nouvelles pyramides au bord de la Méditerranée, faisant rêver les estivants ­gavés d’huile solaire et de muscat bien frais. Des siècles auparavant, Hannibal déjà avait suivi cette voie, partant d’Ibérie pour attaquer Rome. La via Domitia, les fondations d’une cité étrusque, Hannibal et ses éléphants…, autant de mémoires enfouies, autant de bâtisseurs qui, les uns après les autres, tombent dans l’oubli pour mieux donner naissance à de nouvelles cités. Mais, ce soir du 21 décembre 2012, fin du monde annoncée par le calendrier maya, le Mama est bien là, il se dresse et médite sur son enfance de pied-noir mal accueilli en France, sa jeunesse de flambeur, ses ambitions d’empereur des chantiers. Autour de lui, des voix se croisent, des femmes ardentes, blessées ou portées par la désillusion.

Comme elle l’avait fait dans La Grande Bleue (2012) — immersion dans la France ouvrière des années 1970, du côté de Vesoul —, Nathalie Démoulin capte ici à merveille les voix, la lumière et les sons. La mer et les vagues rythment son récit sans cesse recommencé. La romancière décrit le monde à la manière d’un archéologue et, dans un même souffle, plonge dans l’intimité de ses personnages, par le biais de leurs confessions mélancoliques. Bâtisseurs de l’oubli est une superbe histoire de vaillance, de héros qui tombent et se relèvent pour danser sur la mer. C’est aussi un magnifique roman des origines, une oeuvre sur le désir infatigable et sur les géants, qui ne sont pas à l’abri d’une fêlure. — Christine Ferniot

 

Ed. Actes Sud, 208 p., 18,80 €.

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