Anguilles démoniaques

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Anguilles démoniaques

Masaru Kurami est un gentil garçon. Pour les beaux yeux de Tomoko, une mijaurée qui a des goûts de luxe, ce doux géant s’endette au-delà du raisonnable. Incapable de rembourser, le trentenaire doit payer de sa personne et devient le factotum d’un usurier aux activités aussi troubles que l’eau des bassins où il élève des anguilles… Recouvrements musclés, prostitution lycéenne, ambiances interlopes, quartiers à l’abandon : le ­Tokyo décrit par Yû Takada et Yusuke Ochiai ne figure pas dans les circuits touristiques. Pas de yakuzas ici, ni de grandes dynasties criminelles, mais des combines sordides, des petites mains et, au bout de la chaîne, des « intouchables » chargés de faire disparaître toute trace compromettante.

Inspirés par le phénomène des dispa­ritions qui préoccupe la société nippone — quelque cent mille personnes se « volatilisent » chaque année dans l’archipel —, les auteurs ont imaginé un manga haletant et bien ficelé. En suivant pas à pas Masaru, on assiste à sa réjouissante métamorphose en bad boy, mais surtout on finit par partager les doutes, angoisses et cauchemars de ce colosse aux pieds d’argile, qui redoute d’admettre ce que son inconscient lui crie à chaque case. Glauque, inquiétant, tout en sueurs froides et en mains moites, ce polar, qui suggère plus qu’il ne montre, a le charme vénéneux de Quand la ville dort, En quatrième vitesse et autres grands films noirs hollywoodiens. Le trait charbonneux de Yusuke Ochiai, son goût pour les gros plans expressionnistes, les contrastes marqués et les cadrages en cascade, font le reste. — Stéphane Jarno

 

Unagi oni, traduit du japonais par Thibaud Desbief, éd. Komikku, 208 p., 8,50 €.

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