Ahlam

Ajouter un commentaire

Ahlam

Pour son premier roman, le célèbre juge Marc Trévidic, qui a quitté l’antiterrorisme l’été dernier, s’installe en Tunisie, sur l’archipel de Kerkennah. Un fameux peintre français y débarque en 2000 pour soigner un chagrin d’amour et n’en partira plus. Il rencontre le pêcheur Farhat et initie à l’art ses deux enfants : Issam peint en virtuose, Ahlam (« les rêves », en arabe) dompte le piano. Bientôt, le destin de ces trois âmes se trouve irrémédiablement lié, dans une émouvante – bien que parfois maladroite – ode à l’art. Mais l’orage gronde, et le livre s’engage bientôt dans un impitoyable engrenage, qui nous happe comme un roman policier. Le régime autoritaire et corrompu de Ben Ali tangue, et en même temps que les rêves de démocratie enfle le fantasme islamiste. Séduit, Issam peu à peu l’épouse, tournant le dos à la beauté de son art et à la sacrilège liberté des femmes, incarnée par sa magnifique soeur Ahlam.

Marc Trévidic s’appuie clairement sur sa connaissance précise des mécanismes d’embrigadement : son récit de l’évolution d’Issam et de ses amis, leur foi fanatique, leurs états d’âme parfois, leurs projets effroyables n’en est que plus glaçant. L’affrontement entre la magie créatrice qui épanouit Ahlam la musicienne et le délire incontrôlable de son frère est décrit comme une vague implacable dont on devine vite qui sortira vainqueur. Dans le décor idyllique de l’île, à l’écart du monde, elle emporte la raison, l’amour, la famille, l’espoir de démocratie. C’est la vie même qui vacille, sous les yeux résignés du vieux pêcheur dont le monde disparaît, englouti par un monstre à peine né. ­— Juliette Bénabent

 

Ahlam, de Marc Trévidic, éd. JC Lattès, 320 p., 19 €.

Commandez le livre Ahlam

Laisser une réponse