À coups de pelle

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À coups de pelle

En période d’agnelage, Daniel ne dort plus. Même si la nuit semble calme, les brebis proches du terme ont besoin de lui, de ses gestes précis. Dehors, un peu plus loin, le « grand gars » nourrit ses chiens, avant de partir pour la chasse aux blaireaux. Il les revendra cher à des organisateurs de combats illégaux. Deux hommes dans la nuit, telle la lutte du bien contre le mal, de la vie contre la mort.

Le romancier gallois Cynan Jones compose pour eux une magnifique tragédie rurale, où la violence est silencieuse et la douleur intense. Les odeurs jouent un rôle essentiel dans ce livre, qui semble d’abord chuchoter. L’odeur des bêtes en train de vêler. Le parfum de l’épouse de Daniel, morte trois semaines plus tôt, et qu’il respire sur un foulard retrouvé. L’odorat des chiens qui se bousculent en pénétrant dans les terriers… Les gestes professionnels des deux personnages, que tout oppose, forment un ballet aussi précis que poétique.

Tout en évitant la psychologie, Cynan Jones parvient à rendre l’émotion palpable : la stupéfaction du deuil, la solitude, la douleur de l’absence. Dans cette campagne galloise ingrate, on perçoit avec Daniel le bruit de la pluie sur la tôle ondulée, le vent qui s’infiltre, la danse des corneilles comme un murmure paisible et triste — en contrepoint, il y aura la brutalité perverse du braconnier, lançant le blaireau dans la fosse face aux chiens, sous les hurlements du public. Apparemment simple, ce roman est bouleversant. Dépouillé d’artifices, il dit la sauvagerie des hommes qui n’ont plus rien. — Christine Ferniot

 

The Dig, traduit de l’anglais (pays de Galles) par Mona de Pracontal, éd. Joelle Losfeld, 168 p., 16,50 €.

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