Victor et Macha

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Victor et Macha

Ils sont trois individus, trois corps singuliers engagés dans un ballet désordonné, mus par des forces irrépressibles autant que contradictoires, les unes qui les rapprochent, d’autres qui, entre eux, creusent des distances. Quoi qu’il en soit, tous trois intimement reliés les uns aux autres, solidaires comme sont les étoiles d’une même constellation. Trois corps non pas célestes, sublimes — du moins, pas que… Personnages terrestres, incarnés, triviaux, évoluant dans le décor sans grâce d’un quartier neuf et pauvre de la banlieue de Haïfa, où sont rassemblés de nouveaux immigrants : des murs gris, des blocs, des barres, des bâtiments « construits en parpaings exactement comme des maisons de Lego », des pelouses déjà usées. Nous sommes en 1977. Il y a là Macha, l’aînée, et Victor, le cadet, deux adolescents de quinze et dix-sept ans, arrivés d’Union soviétique sept ans plus tôt, et Catherine, leur grand-mère, venue les rejoindre voici quelques mois, les extirpant des orphelinats et des kibboutz dans lesquels ils avaient vécu après la mort accidentelle de leurs parents. C’est de l’exil, du déracinement, de la survie en milieu inconnu que nous parle la romancière Alona Kimhi, dans ce beau roman grave, sans doute alimenté de sa propre expérience — elle est née en Ukraine, en 1966, et arrivée en Israël au début des années 1970, comme Victor et Macha. Alona Kimhi ne choisit pas d’élire un de ses trois personnages afin qu’il monopolise la parole, mais préfère sinuer entre eux, dessiner à travers leurs sensibilités particulières et leurs regards croisés le portrait d’une société israélienne fondamentalement hétérogène, traversée par de multiples lignes de démarcation, sociales et culturelles, organisée selon des hiérarchies non dites mais puissamment ressenties. C’est par la voie intimiste que la romancière, précise et tranchante, atteint cette dimension politique, s’attachant à demeurer toujours au plus près des pensées, des enthousiasmes et des désarrois de Macha et Victor, des peurs et des renoncements de Catherine. Soit donc trois corps en immersion dans un étrange pays, trois êtres qui tout ensemble se soutiennent et s’encombrent les uns les autres… — Nathalie Crom

 

Victor Vemacha, traduit de l’hébreu par Laurence Sendrowicz Ed. Gallimard, coll. Du monde entier 512 p., 25,90 €.

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