Summer

Ajouter un commentaire

Summer

« Il ne se passait jamais rien d’incon­venant » dans ces grandes maisons bourgeoises des bords du lac Léman. De beaux enfants y grandissaient en lieu sûr, devenaient bientôt des adoles­cents radieux, couvés par des mères parfaites et protégés de la trivialité du monde extérieur par des pères indestructibles. Summer était de ces ­enfants bénis des dieux, jeune beauté blonde aux jambes longues et aux cheveux de soie, qui pourtant un jour s’évapora. Enfuie ? Enlevée ? Noyée, telle Ophélie, dans les eaux troubles du lac ? Nul ne l’a jamais su, et vingt-quatre ans plus tard, son ­absence continue de hanter son frère ­cadet : « La nuit, Summer me parle sous l’eau. Sa bouche est ouverte, palpitante comme celle des poissons noirs. »

Les cauchemars aqueux de Benjamin se mêlent à des bribes de souvenirs d’enfance, pour faire du crâne de l’adulte tourmenté qu’il est devenu une drôle de lanterne magique, névrosée, obsessionnelle, morbide. Ces visions, imprégnées d’odeurs, de vent et d’indiscible effroi, saturées surtout de références aquatiques délétères et enchantées dans lesquelles Summer est tout ensemble sirène et dépouille, sont la chair même du beau roman magnétique de Monica Sabolo, qui use avec sensualité d’une langue métaphorique pour tracer l’itinéraire intérieur de Benjamin, par ailleurs lancé, vingt-qua­tre ans plus tard, dans une véritable ­enquête sur la disparition de sa soeur.

Entre le thriller efficace et le récit poétique, soyeux et toxique — on pense beaucoup, en lisant Summer, à Laura ­Kasischke, notamment à son entêtant Oiseau blanc dans le blizzard —, Monica Sabolo ne choisit pas. Elle fond adroitement les deux registres, avançant vers la vérité factuelle, auscultant avec délicatesse les fragilités de l’adolescence, déployant posément et implacablement, à coups d’images et de symboles, les symptômes d’une psyché familiale dérangée. — Nathalie Crom

 

Ed. JC Lattès, 316 p., 19 € (en librairies le 23 août).

Commandez le livre Summer

Laisser une réponse