Sukkwan Island

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Sukkwan Island

… Et chaque nuit, quand Roy fait semblant de dormir, il entend son père pleurer. Le père, Jim, a proposé à son fils de 13 ans de passer une année, seuls, sur un îlot désert au large de l'Alaska. Se fondre dans la nature sauvage pour repartir de zéro. Pour effacer les échecs d'une vie à la dérive. Pour réinventer une relation filiale en capilotade. Quand il paraît en France fin 2009, ce roman d'un inconnu, David Vann, apparaît comme « un météorite », écrit Fabrice Colin dans son excellente préface, un bloc de fiction aux arêtes coupantes, d'un réalisme hypnotique. La survie y est un apprentissage : chasser et pêcher pour manger, affronter les dangers invisibles, le froid, la pluie, des tempêtes de neige, « comme s'il ne devait pas y avoir de lendemain », et déjouer quotidiennement les pièges d'une aventure mal préparée. Mais la survie est aussi sapée par les défaillances du père, ses sautes d'humeur, son désarroi, une lente dislocation psychologique que le fils, à la fois lucide et impuissant, subit courageusement, le plus souvent en silence. Jusqu'au foudroyant coup de théâtre qui, à mi-parcours, précipite le récit aux confins d'une folie cauchemardesque.

Il faut relire le roman pour évaluer la singulière réussite de cette adaptation dessinée aussi fidèle que possible à l'original, avec ses faux rythmes et ses bouffées de violence contenue. Ugo Bienvenu, venu de l'animation, distille dans une épure graphique à l'os les signes inquiétants d'un huis clos implacable, dévoilant, ensemble, l'abîme qui se creuse entre le père et le fils et les défis que leur impose une nature tour à tour magnifique et hostile. Gros plans expressifs et panoramiques spectaculaires à l'appui, le temps passe comme « une succession d'ennui et de drame, l'un faisant le lit de l'autre ». Ugo Bienvenu capte ainsi, avec une virtuosité retenue, le désespoir glacé d'une aventure sans issue.

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