Retour vers David Goodis

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Retour vers David Goodis

Dans les années 1980, Philippe Garnier habitait une maison entourée d’arbres à flanc de colline, à l’est de Los Angeles, vers Echo Park, où fleurirent les premiers studios des pionniers hollywoodiens. Il avait quitté Le Havre et son magasin de disques rock, quelques années plus tôt, pour devenir un genre d’envoyé spécial permanent dans les arrière-cours de la culture populaire américaine sur lesquelles les Français fantasmaient dur mais dont ils recevaient peu de nouvelles. Garnier est vite devenu le prince des passeurs, il faisait les belles heures de Cinéma, cinémas et envoyait à Rock & Folk ou Libération des articles-fleuves dont il ne fallait pas couper une ligne, sous peine de déclencher une tornade sur l’Atlantique (1) . Il était traducteur aussi, il a fait découvrir aux Français, qui en sont tombés dingues, l’oeuvre de Bukowski et celle de Fante. C’est sur cet élan qu’il s’est lancé, en 1984, dans sa première enquête au long cours, la biographie de David Goodis, un écrivain de série noire plutôt coté par ici (de son Down there Truffaut a fait Tirez sur le pianiste), mais totalement oublié dans son pays. Drôle de pari pour un premier livre. « Une commande pour tout dire, écrit-il. Et lorsque l’idée avait été lancée de Paris, c’était avec certaines réticences que j’avais accepté. »

On croirait entendre maugréer Philip Marlowe ou n’importe quel privé mal embouché, mais on sait déjà que la commande sera honorée au-delà de toute espérance. Garnier aime fouiner dans les endroits les plus improbables, il ne néglige pas la moindre piste au point de reprendre son ouvrage aujourd’hui, trente ans plus tard, pour en modifier la structure, ajouter les informations récoltées depuis les années 1980 et l’agrémenter d’une fastueuse iconographie. Retour vers David Goodis est le portrait d’un écrivain qui trime au jour le jour pour l’industrie du divertissement, à Hollywood ou ailleurs, tantôt génial, tantôt poussif, visionnaire sombre et farfelu qui vit la plupart du temps avec sa mère et se fond à merveille dans le décor exploré par Philippe Garnier.

Le sel de son récit, c’est le goût de l’enquête et de toutes ses ramifications, la traversée de l’Amérique en Buick, les heures passées dans un hospice pour acteurs, ou à éplucher les archives des studios et les mémos cinglants des producteurs (« Toujours des hauts talons pour Bacall, sinon elle a l’air d’un tas »). Bien des rencontres dévient du sujet, ouvrant d’autres voies, tout aussi excitantes : de l’histoire de la « pulp fiction » et la série noire aux arrière-cuisines d’un âge d’or hollywoodien qui doit tout à ses soutiers acharnés. — Laurent Rigoulet

 

(1) Recueillis dans L’Oreille d’un sourd, éd. Grasset.

 

Ed. La Table ronde, 365 p., 24,50 €.

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