Post-scriptum

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Post-scriptum

Le Waldhaus a la beauté surannée des grands hôtels, nichés dans les montagnes suisses allemandes. La clientèle ressemble à un ballet de fantômes, blottis dans des fauteuils profonds, sirotant une coupe de champagne en regardant tomber la neige. En 1933, les éructations d’Adolf Hitler n’inquiètent pas encore le gotha, qui vient trouver la paix dans ce cadre immuable où la discrétion est de rigueur. Lionel ­Kupfer est parmi eux, comédien très ­remarqué du cinéma allemand. Fatigué par les tournages répétés, il s’ennuie avec distinction. Mais tout semble encore lui réussir lorsqu’il croise Walter, le postier du village qui deviendra son amant.

Différence de classes, menaces politiques, souvenirs d’enfance qui ne s’effacent pas, amours interdites composent les thèmes obsessionnels du romancier suisse Alain Claude Sulzer. Comme dans Un garçon parfait (2008), il sait admirablement se servir d’un décor glacé pour en faire un vaste théâtre des opérations. Derrière les gestes milli­métrés du maître d’hôtel, les inquiétudes modestes de Walter, le regard élégamment indifférent de Lionel, Sulzer dénonce les codes sociaux et leurs solides barrières. Il dit la solitude des hommes qui doivent se cacher pour aimer, la honte du comédien qu’on repousse, de l’employé qu’on ignore, avec une maîtrise qui n’exclut pas la mélancolie. Ecrivain des non-dits et des silences écrasants, parfait héritier de l’Autrichien Zweig et du Hongrois Márai, il réussit, avec Post-scriptum, une oeuvre poignante comme un hurlement de désespoir dans un carcan de douleur. — Christine Ferniot

 

Post-scriptum, traduit de l’allemand (Suisse) par Johannes Honigmann, éd. Jacqueline Chambon, 280 p., 22 €.

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