Philosophie de l’insecte

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Philosophie de l’insecte

« Une mouche ne doit pas tenir plus de place dans la tête d’un naturaliste qu’elle n’en tient dans la nature », affirmait Buffon en 1753, dans son Discours sur la nature des animaux. Jean-Marc Drouin n’a pas suivi ses conseils : l’historien et philosophe des sciences, déjà auteur d’un Herbier des philosophes, publie aujourd’hui une trépidante Philosophie de l’insecte, qui éclaire la place que ces drôles de petites bêtes tiennent dans la nature et l’imaginaire collectif. Entre tendresse et répulsion : « Abeilles butineuses à l’avenir menacé. Sauterelles à l’appétit dévastateur. Papillons aux ailes diaprées. Moustiques vecteurs de maladies. Fourmis industrieuses et économes. Guêpes ennemies des déjeuners sur l’herbe. Coccinelles à la rondeur enfantine. » Les insectes sont partout et leur petitesse nous fascine : une fourmi de dix-huit mètres, ça n’existe bien sûr pas, comme le savait Robert Desnos. Et pourquoi pas ?

L’insecte est un embrayeur de fiction, de poésie, de pensée. De La Métamorphose de Franz Kafka aux araignées géantes de Louise Bourgeois, en passant par le vieux couple de la cigale et la fourmi, ces animaux nous parlent de nous-mêmes : de l’échelle du monde, de la notion de milieu et de notre place au sein de l’univers. La pensée de ­Pascal sur les deux infinis s’enracine ainsi dans le corps du ciron, cette microscopique bestiole, quand La Fable des abeilles, de Mandeville, ­annonce que les vices privés contribuent au bien public… Alors que la perfection de la toile de la solitaire araignée fournit à certains la preuve de l’existence d’un Dieu géomètre, les colonies d’insectes montrent à d’autres que l’individu échoue seul là où le collectif peut réussir. Parallèlement à sa lecture des textes naturalistes et entomologiques consacrés à ces mini-animaux rois du mimétisme et du camouflage, Jean-Marc Drouin se passionne pour les différentes visions politiques qu’ils ont inspirées : abeilles monarchistes et fourmis républicaines ; insectes communistes ou anarchistes ! Ni proches de nous comme les mammifères, ni radicalement autres comme les végétaux, comme le note l’auteur, les insectes, petits et fragiles, restent néanmoins toujours dans le domaine du visible.

De cette place fertile, l’historien et philosophe de l’art Georges Didi-­Huberman fait aussi son miel : après les lucioles et les phasmes, il considère aujourd’hui les phalènes, ces papillons nocturnes qui apparaissent dans l’obscurité et viennent se consumer sur une flamme. Cette captivante fugacité fonde tout un art de l’apparition : l’apparition comme seul « réel » de l’image. Le penseur tisse, encore une fois, une relation libre aux images toujours papillonnantes, à leur beauté et à leur mystère, « inlassable nécessité de leurs apparitions, perpétuelle métamorphose de leurs apparences » […]. Papillons, donc : insectes psychiques, animaux de nos peurs et de nos désirs, images errantes de nos rêves, de nos fantasmes, de notre pensée. »

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