Mazzeru

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Mazzeru

En Corse, le « mazzeru » n’est pas un sujet badin. Celui ou celle qui a le don de voir en rêve qui va bientôt mourir dans son entourage est aussi craint que respecté. Si cette croyance venue du fond des âges a été engloutie, ou du moins estompée, par la vie moderne, son souvenir reste vif. D’où un certain émoi et beaucoup de curiosité lors du récent festival BD de Bastia pour l’album de Jules Stromboni. Pourtant, si le jeune auteur met magnifiquement en scène la figure du messager funeste, le mazzeru n’est ici qu’un pré­texte. Sur cette trame fantastique, Stromboni narre l’histoire tragique de Césario et Chilina, et brode une foule de motifs : l’amour impossible, l’envie d’échapper à sa condition, l’ensauvagement, la mélancolie, le silence…

L’histoire a beau se dérouler dans l’écrin monochrome d’un village corse du XIXe siècle écrasé par la religion et le qu’en-dira-t-on, comme sorti d’une nouvelle de Mérimée, les thèmes abordés sont à la fois immuables et on ne peut plus modernes. Comme le traitement graphique choisi par l’auteur. Gravées au clou (!) et encrées sur des plaques d’acétate transparentes, ces images (presque) sans paroles, aux innombrables nuances de gris, semblent extraites de Terre sans pain, le chef-d’oeuvre naturaliste de Luis Buñuel (1933). Pourtant, nulle nostalgie en les voyant, juste un choc visuel. Rayés, grattés, rugueux, faits d’ombres et de matières, ces dessins à peine contenus ont la puissance de l’art brut et des choses premières. — Stéphane Jarno

 

Ed. Casterman, 170 p., 29 €.

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