L’Ordre du jour

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L’Ordre du jour

Depuis La Bataille d’Occident et Congo (2012) jusqu’au présent L’Ordre du jour, passant par Tristesse de la terre (2014) ou 14 Juillet (2016), Eric Vuillard ne cesse de réinventer sa position d’écrivain face à l’Histoire. Persuadé qu’il est de la capacité du récit de s’immiscer dans les faits avérés, à s’infiltrer dans la chronologie certifiée, pour non pas corrompre la vérité historique ou broder sur elle, mais la regarder autrement. L’incarner. La déconstruire lorsque le mythe a fini par y prendre trop de place. Scruter l’intime que néglige toujours l’épopée. Il n’est qu’à ouvrir L’Ordre du jour et à en commencer la lecture pour être saisi d’emblée par cette démarche singulière. Nous voici d’abord projetés le 20 février 1933, un lundi de froid et de brume. Ce jour-là, vingt-quatre barons de l’industrie allemande ont rendez-vous au Reichstag, à l’invitation de son président, Goering, pour y rencontrer Hitler. Vuillard décrit le ballet des berlines noires qui s’avancent une à une dans la cour, les vingt-quatre messieurs qui successivement en sortent, puis arpentent les salons… Au terme de leur visite, les nobles messieurs verseront leur généreuse obole au parti nazi. Quelques pages plus tard, nous serons au Berg­hof, la résidence bavaroise du désormais chancelier du Reich, dans le secret d’un tête-à-tête inouï entre le dirigeant nazi et le fébrile chancelier autrichien Schuschnigg. Plus tard on partira à Londres, où, en présence de Churchill, Chamberlain reçoit à déjeuner l’ex-ambassadeur Ribbentrop — nous sommes le 12 mars 1938, l’Anschluss est en marche… Ces scènes saisissantes s’ajoutent les unes aux autres pour retracer l’inertie coupable, la succession de lâchetés, de bassesses, de compromissions qui ont mené à l’annexion de l’Autriche par l’Allemagne. La démonstration d’Eric Vuillard est limpide, cinglante, implacable. — Nathalie Crom

 

Ed. Actes Sud, 160 p., 16 €.

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