L’Institutrice d’Izieu

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L’Institutrice d’Izieu

Ce fut une tragédie, celle qui, le jeudi 6 avril 1944, à Izieu (Ain), vit l’arrestation et la déportation par les Allemands de quarante-quatre enfants juifs réfugiés et de leurs sept éducateurs. Deux ouvrages reviennent sur cet événement. Le premier, celui de Pierre-Jérôme Biscarat, aujourd’hui réédité, retrace très précisément le contexte historique, les étapes du drame et le parcours des enfants de la Maison d’Izieu, dirigée par le couple Zlatin (1.) Le second, celui de Dominique Missika, s’attache à la figure méconnue de Gabrielle Perrier.

Fin 1943, cette institutrice célibataire de 21 ans vit encore chez ses parents, à Colomieu, et cumule les remplacements. C’est une jeune femme réservée et sérieuse, passionnée par son métier, qui attend avec impatience les affectations que l’inspection académique veut bien lui octroyer. On la dirige finalement vers un poste d’institutrice intérimaire à Izieu pour s’occuper de la classe d’une quarantaine d’enfants réfugiés, dont on ne lui a pas précisé qu’ils étaient juifs. Elle s’y rend à vélo, avec un enthousiasme seulement refroidi quand elle apprend du maire que, contrairement aux usages, il ne lui fournira aucun logement de fonction et qu’elle devra louer elle-même une chambre, jusqu’à ce que, finalement, une indemnité de logement soit débloquée en février 1944.

Gabrielle fera peu à peu connaissance avec les enfants, âgés de 5 à 17 ans, apprendra leurs noms aux consonances étrangères et à l’orthographe un peu difficile. Elle retient d’abord les prénoms : Hans, Nina, Otto ou Mina. Ils viennent d’Allemagne, d’Autriche, de France, de Pologne, de Belgique ou d’Algérie, et, après une rapide évaluation des connaissances de chacun, elle organise sa classe en cinq niveaux. Son poste est bien officiel, mais elle connaît le statut particulier des enfants de ce foyer, pris en charge par des réseaux clandestins et en attente d’un passage en Suisse. En revanche, elle n’évalue pas à quel point ce sont les victimes désignées d’un régime français qui apporte son soutien à la chasse aux Juifs. Gabrielle Perrier vit un peu isolée, loin de sa famille, à l’écoute des rumeurs qui circulent sur les maquis, les hommes qui fuient le STO et les répressions – mais à la colonie, pas plus que dans le village, qui est à près d’un kilomètre, on n’a jamais vu de soldats allemands. Elle fait sa classe, s’organise comme elle peut avec le manque de fournitures scolaires et comprend le mutisme de certains gamins sur ce qu’ils ont vu et vécu.

C’est donc le 6 avril 1944, pendant les courtes vacances de Pâques, alors que Gabrielle est retournée chez ses parents, que les Allemands, sur ordre de l’officier SS Klaus Barbie, viendront rafler tous leurs enfants et leurs éducateurs. Pendant des années, Gabrielle restera discrète, gardant pour elle un traumatisme qui la hante, et ce n’est qu’à l’occasion du procès Barbie, en 1987, qu’elle sera « témoin officiel ». « Est-elle une héroïne ?, écrit Dominique Missika. Certes non. Elle n’a pas pris les armes et risqué sa vie. Mais elle a été exemplaire. » La Maison des enfants d’Izieu est devenue un musée-mémorial national en 1994.

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