Les Républicains

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Les Républicains

« Au temps où j’ai écrit, surtout vers la fin, tout tournait à la décadence, à la confusion, au chaos, qui depuis n’a fait que croître », écrit Saint-Simon au terme de ses Mémoires, et la description sied à l’atmosphère de ce roman crépusculaire et ironique de Cécile Guilbert — dont un essai sur le mémorialiste de la cour de Louis XIV et de la Régence a d’ailleurs inauguré, en 1994, l’exigeante bibliographie. Ouvrant Les Républicains, nous voici pourtant loin du xviiie siècle et de Versailles, au contraire de plain-pied dans le contemporain, à Paris, au terme de l’année 2016, mais il s’agit néanmoins dans ces pages d’observer la pérennité, dans les cénacles du pouvoir (« la  »cratie » — démo et média »), d’un carburant appelé vanité — « la vanité, cette poupée mécanique qui rend idiots les plus intelligents, ridicules les plus talentueux, et résume à Paris toutes les passions », écrit Cécile Guilbert. Le temps d’une soirée, dans quelques bars d’hôtels luxueux de la rive droite, deux personnages s’évaluent, se comparent, se cherchent, conversent, s’évitent. Lui s’appelle Guillaume Fronsac, elle est simplement « la fille en noir ». Du moins est-ce ainsi qu’il la surnommait quand, trente ans plus tôt, ils étaient ensemble à Sciences-Po. Avant que leurs chemins ne divergent : lui s’est dirigé vers l’ENA, puis l’Inspection des finances, avant d’intégrer au milieu des années 1990 le cabinet de Balladur à Matignon ; elle, « par amour de la liberté, par amour de l’amour et du loisir studieux troué de paresse », a vite déserté les ministères pour se choisir une vie d’écrivain. A travers le récit de leur soirée et de leurs échanges, Cécile Guilbert brosse un portrait d’époque aussi ténébreux qu’altier, et d’une saisissante lucidité — sous-tendu par une réflexion mélancolique sur la démocratie et le spectacle, la folie du pouvoir et ses armes, « à savoir la passion de l’ambition, le vice de l’hypocrisie et l’entier clavier de leurs stratagèmes ». — Na.C.

 

Ed. Grasset, 256 p., 18 €.

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