Les Derniers Libertins

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Les Derniers Libertins

Ils ont pour noms Lauzun, Brissac, Narbonne, Boufflers, Vaudreuil, Ségur. Ils sont ducs, comtes ou chevalier, cousins, parfois frères, tous amis de jeunesse. Et souvent enfants naturels de ravissantes mères volages dont leur père assumait noblement la grossesse, trop amateur de beau sexe qu’il était lui-même… Sous Louis XVI, l’aristocratie considérait le mariage comme un contrat et admettait intrigues et adultères : elle célébrait avec tant de tolérance l’art de plaire et de jouer le plus aimablement son rôle social, culturel, littéraire…

Ainsi Les Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos, ne semblent que le pâle reflet de ces existences fières et intrépides. Les vies endiablées et follement raffinées des sept grands seigneurs choisis par Benedetta Craveri — plutôt spécialisée dans leurs partenaires féminines — furent de véritables romans picaresques, dont on se délecte ici avec curiosité. Car c’est un monde à jamais disparu dont témoigne l’historienne italienne éblouie, traitant l’un après l’autre chacun de ses héros follement individualistes, égotistes. Elle ne les rassemble, à la fin de son épais et réjouissant volume, que pour leurs traversées souvent tragiques de la Révolution. Qu’ils accueillent pourtant vaillamment. Tous étaient cultivés, ardents, trop bercés par l’esprit des Lumières pour ne pas être séduits par ces idées neuves et hardies qu’ils pensaient innocemment conciliables avec leur art de vivre… Mais leur audacieuse, élégante et arrogante liberté d’être mourra avec eux. Juste avant de partir pour l’échafaud, Lauzun ne voulut-il pas déguster encore quelques huîtres et offrir du vin d’Alsace à son bourreau pour qu’il y puise de la force ? Les aristocrates partaient à la guillotine avec une dignité souriante, polis jusqu’au bout. Seule la roturière du Barry, favorite de Louis XV (et maîtresse de Brissac), hurla sa terreur, quémanda jusqu’au bout sa grâce à la foule, qui « s’émut au point que le bourreau se hâta de terminer le supplice, raconte la portraitiste de Marie-Antoinette, Elisabeth Vigée Le Brun, présente à la scène… Ceci m’a toujours persuadée, poursuit-elle, que si les victimes de ce temps d’exécrable mémoire n’avaient pas eu le noble orgueil de mourir avec courage, la terreur aurait cessé beaucoup plus tôt ». — Fabienne Pascaud

 

Gli ultimi libertini, traduit de l’italien par Dominique Vittoz, éd. Flammarion, 672 p., 26 €.

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