La Tendresse des pierres

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La Tendresse des pierres

Son père va mourir. Elle ne le sait pas encore, ne peut même pas le concevoir, et c’est le cheminement vers l’inéluctable que Marion Fayolle met en scène dans ce récit dessiné à la première personne, où tout l’art consistait à s’évader de l’autobiographie pour inventer ex nihilo un petit théâtre en apesanteur, surréel, d’une rare délicatesse. « On a enterré un poumon de papa » : la première phrase de la voix off pourrait être d’une petite fille naïve, innocente, mais on va l’entendre, tout au long, comme une petite musique très concertée pour tenir la trop facile émotion à distance. Très vite, on verra que les mots font, littéralement, image. Le corps du père se défait, il part en morceaux (on pense au précédent livre de l’auteure, un brillant exercice de style intitulé… L’Homme en pièces) ; plus tard, des armées d’hommes en blanc prendront d’assaut la maison, telle une force d’occupation : l’image devient métaphore, allégorie, tremplin pour l’imaginaire. C’est par le dessin, qui tient du funambulisme graphique, léger et précis, tout en mouvements suggérés, en décalages oniriques et contrepoints ironiques, que Marion Fayolle réinvente le quotidien comme une expérience unique, hypersensible. On est bien au-delà, cette fois, de l’exercice de style. Car, au coeur du récit, il y a l’espoir, pour la narratrice, qu’avec ce père dur, autoritaire, si peu aimable et qui n’a pas su l’aimer, « tout irait mieux entre nous, dit-elle, maintenant que tout allait mal pour lui ». Parce que cet espoir-là sera balayé, perce en filigrane, discret mais lancinant, le regret d’une histoire inachevée. C’est aussi par la grâce de ses non-dits que ce livre splendidement hors norme est une des plus belles surprises de l’année.

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