La Main heureuse

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La Main heureuse

Frantz Duchazeau se souvient comme si c’était hier de cette journée de 1989, mémorable, à l’aune d’un rêve devenu réalité : avoir vu la Mano Negra en live ! C’est peu dire que Frantz et son pote Mike sont fans de Manu Chao et de sa clique hétéroclite. Quand un concert est annoncé à Bordeaux, à 100 kilomètres du village de Charente où ils vivent, ils décident illico de faire le voyage sur la mobylette de Mike, avec Frantz sur le porte-bagages. Commence une poussive odyssée bricolée à 35 à l’heure qui, d’incidents mécaniques en rencontres improbables, dérisoire jusqu’au burlesque, d’une naïveté exaltée, se clôt par l’intervention quasi magique de Manu Chao en personne.

Peu importe, au fond, que le Duchazeau d’aujourd’hui restitue avec exactitude les péripéties vécues hier : il se déleste par intermittences de l’anecdote dans des séquences intenses où l’imaginaire s’insinue et où le fantasme prend le relais. L’auteur dévoile un ado hanté par le divorce de ses parents qui se dessine mis en pièces par un loup sanguinaire ; ou se remémore le bonheur en apesanteur qu’il éprouve en visionnant pour la millième fois la cassette vidéo d’un concert de la Mano en Équateur… Duchazeau raconte comme il dessine (voir, en particulier l’excellent Rêve de Meteor Slim, 2008) : un style elliptique et à vif, qui crée une pulsation, dégage une énergie immédiate, et qui, avec peu de mots, laisse entrevoir, cette fois, un petit raz-de-marée intime. Un critique de rock écrivait, à l’époque : en concert, la Mano negra est « une main noire vaudoue qui opère son rituel chamanique sur des kids chauffés à blanc. Ils repartiront, les yeux hagards, se demandant ce qui leur est ­arrivé. » Duchazeau le cite, façon de dire que, lui non plus, ne s’en est ­jamais tout à fait remis. Tant mieux. — Jean-Claude Loiseau

 

Coll. Professeur Cyclope, éd. Casterman/Arte Editions, 104 p., 17 €.

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