Et si tu n’existais pas

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Et si tu n’existais pas

Apparemment, rien de commun entre la mélancolique et amoureuse chanson de Joe Dassin (1975) qu’évoque le titre et le récit d’enfance si personnel que conte avec douceur et férocité Claire Gallois. Comme pour nous livrer la clé de son oeuvre. Son « Rosebud » façon Welles… Qu’on se rappelle pourtant quelques paroles de la rengaine : « Et si tu n’existais pas/Dis-moi comment j’existerais/Je pourrais faire semblant d’être moi/Mais je ne serais pas vrai… » Exactement ce qu’éprouve la narratrice tant qu’elle n’a pas retrouvé la tendre nourrice qui l’a élevée jusqu’à l’âge de 6 ans au fin fond d’un village creusois.

Car un dimanche de juillet 1943, son élégante et riche et infantile maman est venue l’arracher à Yaya dans sa belle et puissante voiture ; après un accouchement qui la rendit sourde, elle avait préféré abandonner à d’autres le soin de l’enfant indésirée. Mais les conventions de sa famille pétainiste l’obligèrent à la rapatrier sans joie dans l’immense appartement du boulevard de Courcelles… Au milieu de sa fantomatique et inquiétante parentèle bourgeoise, la petite fille vit comme privée d’elle-même, mutilée. Suppliant qu’on la mette en pension. Et cherchant dès que possible la Yaya des jours heureux.

Claire Gallois décrit jusqu’à l’effroi sa grande famille collabo et un rien proustienne de la plaine Monceau. Elle dit aussi les solitudes enfantines dans une société guindée où l’on parle peu de soi. Et où rayonne d’autant plus fort l’amour désintéressé de la servante au grand coeur. La petite fille devenue grande la redécouvrira enfin, et l’accompagnera à son tour. La boucle est bouclée. Vie et mort se conjuguent lumineusement dans l’amour retrouvé. Mais qui a tant manqué. — Fabienne Pascaud

 

Ed. Stock, 144 p., 16,50 €.

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