Ecrire, à l’heure du tout-message

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Ecrire, à l’heure du tout-message

« Vous avez un nouveau message. » Loin d’avoir disparu, comme le déplorent quelques oiseaux de malheur, l’écrit s’est au contraire démultiplié et transformé. Nous vivons même à l’heure d’une « graphomanie électronique » sans précédent, analyse le philosophe Jean-Claude Monod, dans Ecrire, A l’heure du tout-message. Toute la journée, mails, chats et SMS défilent inlassablement sous nos pouces frénétiques. Souvent, ces missives nous permettent de gagner du temps. Parfois, de passer le temps. Mais de quoi les investissons-nous, plus profondément ? En serions-nous les esclaves ? Quelles sont leurs conséquences sur nos relations, sur « la vie éthique, amoureuse, amicale, mais aussi diplomatique et politique » ? On se souvient du scandale déclenché, au début du quinquennat Hollande, par le tweet de Valérie Trierweiler, ainsi que de la surprise causée par le mail de Marcela Iacub adressé à DSK, ou encore du poids juridique des textos émis par ce dernier (toujours lui…) dans l’affaire du Carlton. Tous ces écrits médiatiques, déviés de leur course initiale, incitent à réfléchir sur le destinataire du message. Car l’envoi appelle toujours une réponse — une vérité qu’on devrait garder à l’esprit, surtout quand on s’apprête à envoyer le « mail de trop », celui qu’on aurait mieux fait de garder pour soi.

Curieux, maniant avec brio des exemples philosophiques et cinématographiques — comme la réflexion, puissante, de Jacques Derrida sur l’écriture ou l’éblouissant film de Joseph Losey Le Messager —, Jean-Claude Monod excelle à décrypter le passage de l’ancien temps du messager à la nouvelle ère de la messagerie. Une avancée technique ayant mis au chômage nombre d’anges (aggelos signifie « messager » en grec), eux qui portaient sur terre les volontés divines… Cette dématérialisation a surtout entraîné une « expérience aussi étonnante que banale partagée par tout "internaute" : devoir prouver qu’il n’est pas une machine ». Comment ? En sollicitant peut-être enfin un rendez-vous, une rencontre, tant il apparaît que l’écrit permet aussi d’« éviter le face-à-face », ou de se dérober à la conversation téléphonique, « opération "physique" engageant la voix », donc toujours apte à trahir nos émotions. Cette phénoménologie du message, n’a à rougir de rien. Organisée en quatre actes ludiques (« Envoi », « Réception », « Objet », « Répondre »), elle est à mettre entre toutes les mains.

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