Cruautés

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Cruautés

On ne sort pas intact de cette lecture : huit chercheurs-soigneurs de la psyché (1) extirpant « la cruauté du cachot de la mutité ». Avec un courage et une empathie essentiels, ils la dévisagent dans sa « crudité » constitutive pour tenter de la « cuire » au soleil civilisateur de l’intelligence. Quel « travail psychique du crime » est à l’œuvre, en 1994, quand ce milicien rwandais, accomplissant sa besogne génocidaire, éventre sa voisine enceinte ? Quelle différence avec le tueur en série ? Qu’est-ce qui se passe dans la tête de l’anorexique qui se torture à mort ? Qu’est-ce qui a pris à cette garde des Sceaux française qui, en 2009, réclamait qu’on émascule les délinquants sexuels, « comme si couper le corps empêchait la pensée » ? La cruauté est « cruautés ». A l’image des serpents grouillant sur la tête de Méduse, elle a de multiples faces. Mais qu’elle s’exerce envers soi, envers l’autre ou envers tous, elle est le propre de l’homme.

Maladie pulsionnelle – donc guérissable – ou pulsion « originaire » ? C’est la question vitale de ce colloque. Freud lui-même n’a pu définir la nature énigmatique du phénomène. Selon une étude américaine d’après guerre, il n’y avait pas plus de malades mentaux parmi les criminels nazis que dans la population normale (trop dérangeante, l’étude a été tue). Chacun d’entre nous est-il un génocidaire en puissance ? Peut-être, mais pas seulement. Car une autre capacité caractérise l’être humain, « la compassion, seule capable d’endiguer la cruauté native ».

C’est la force de ce livre d’experts de nous mettre à l’épreuve d’une réalité cruelle sans nous méduser. Extirpant de notre vie psychique la puissance de cette aptitude à la pitié – pas la pitoyable qui fuit son objet ou le crée pour mieux en jouir, mais la « pitié tragique » du guerrier fixant les ténèbres en face –, ils nous arment pour partir avec eux à l’assaut de la compréhension des autres, et de ce voisin qui n’est autre que nous-même. Un travail psychique de l’amour ?

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