Cette terre promise

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Cette terre promise

Cette terre promise commence un peu comme un roman de Graham Greene. Parqué dans Ellis Island, l’île au large de Manhattan où les immigrants doivent attendre leur visa d’entrée aux Etats-Unis, un homme est contacté par un avocat, mandaté par un inconnu, qui lui offre le sésame tant espéré. New York, « Babylone fantomatique et silencieuse » dont il ne voyait depuis des jours que les lointaines lumières, est enfin accessible. En cet été 1944, ce n’est pourtant pas l’espoir qui anime Ludwig Sommer. Ce réfugié allemand — qui voyage avec le passeport d’un ­camarade mort — a été poursuivi par la Gestapo et a connu les prisons et les camps d’internement en Allemagne et en France, avant de parvenir à fuir l’Europe. Quittant enfin Ellis Island, il atterrit à l’hôtel Rausch, « caravan­sérail international et bon marché », et y croise le gérant Menkoff qui joue aux échecs, une vieille comtesse russe, un Irlandais qui vide le frigidaire, bien d’autres encore, tous réchappés de l’enfer européen.

Ludwig parvient bientôt à travailler pour des antiquaires et des marchands d’art. Pourtant, bien que sorti du besoin, il reste en marge de l’intégration. Retourner plus tard en Europe, ou rester aux Etats-Unis pour n’être toujours que toléré ? Vivre le présent est la seule issue possible pour ne pas être cons­tamment poursuivi par les fantômes, les souvenirs des souffrances, ni tenaillé par le désir de vengeance, difficile à dompter. Avec Alexander Silver, l’antiquaire, et Reginald Black, qui vend des Degas et des Cézanne à un richissime marchand d’armes, Ludwig Sommer apprend ce qu’est le cynisme du monde de l’art, mais commence aussi à revivre au contact des chefs-d’oeuvre. Et il y a aussi Maria Fiola, un mannequin italo-russe, avec qui un avenir se dessine peut-être pour lui…

Dernier roman (inachevé) de Erich Maria Remarque (1898-1970), auteur de A l’Ouest, rien de nouveau (1929), Cette terre promise est un livre somptueux : sur l’exil, sur la vie en laquelle il faut continuer malgré tout à croire. Sur New York aussi, et les silhouettes des gratte-ciel qui se détachent « sur le ciel déchiré comme si elles avaient été découpées dans la tôle ». — Gilles Heuré

 

Das Gelobte Land, traduit de l’allemand et postfacé par Bernard Lortholary, éd. Stock, 484 p., 23 €.

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