Annie Sullivan & Helen Keller

Ajouter un commentaire

Annie Sullivan & Helen Keller

Avec les trois premières planches, magistrales, l’auteur affiche une ambition qu’il tiendra jusqu’au bout : donner à imaginer, mieux, à ressentir ce qu’une petite fille aveugle, sourde et muette perçoit de la réalité hostile qu’elle affronte, dans la révolte et l’incompréhension mêlées. De l’aventure inouïe, au tournant du xxe siècle, d’Helen Keller, qui deviendra auteure et militante féministe célèbre, Arthur Penn avait tiré un film, Miracle en Alabama (1962). Joseph Lambert, un jeune dessinateur américain de 29 ans, revisite ce « miracle » avec une lucidité décapante. Il est dans le vif de l’expérience vécue par Helen avec Annie Sullivan, la gouvernante de 20 ans, elle-même malvoyante, qui va prendre en charge son éducation et, grâce au langage des signes, guider son chaotique apprentissage jusqu’à une véritable renaissance.

C’est la complexité de la relation entre l’élève et la maîtresse, tour à tour hérissée de malentendus, de colères, de doutes, puis fusionnelle, qui donne toute sa force à cette longue course d’obstacles de l’ombre vers la lumière. Dans une architecture visuelle très cadrée — le plus souvent, seize petites cases égales par planche —, Lambert égrène moins des péripéties qu’il ne traque en chacune d’elles des intermittences psychologiques aux effets imprévisibles. L’interprétation graphique virtuose qu’il donne du no man’s land sensoriel et affectif où sont plongées ses héroïnes propulse le récit au-delà de la simple illustration. Et renouvelle avec une lumineuse singularité le regard qu’on peut porter sur une histoire devenue quasi légendaire aux Etats-Unis. — Jean-Claude Loiseau

 

Annie Sullivan and the trials of Helen Keller, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Sidonie Van den Dries Ed. Çà et Là/Cambourakis 96 p., 22 €.

Commandez le livre Annie Sullivan & Helen Keller

Laisser une réponse