2084. La Fin du monde

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2084. La Fin du monde

On le reconnaît de loin, avec sa queue-de-cheval et ses airs de vieux sage aux allures de jeune homme. Les cheveux bien sûr se sont enneigés, mais l’oeil pétille comme jamais. Discret, chaleureux, Boualem Sansal apparaît toujours calme. Peut-être est-ce l’effet de ce « sourire quasi bouddhique » que pointe Jean-Marie Laclavetine, son éditeur, dans la préface au Quarto que lui consacre Gallimard. L’homme pourtant n’a pas eu la vie facile. Les pages « Vie et oeuvre » de ce recueil de romans, piquées de quelques photos particulièrement émouvantes, en ­témoignent vivement. Car Boualem Sansal n’a jamais quitté l’Algérie, son pays natal, et a supporté, année après année, les conséquences de son engagement : mise à l’écart, menaces, ­insultes. Depuis Le Serment des barbares, en 1999, l’écrivain n’évite ­aucune question qui fâche, la corruption du pouvoir militaire en place, la vocation totalitaire de l’islamisme, qu’il n’a pas hésité à comparer au ­nazisme dans Le Village de l’Allemand (2008). « Je me suis mis à écrire comme on enfile une tenue de combat », a-t-il un jour confié à un journaliste algérien.

Et ce combat continue, plus que ­jamais. Voici deux ans, Boualem Sansal publiait Gouverner au nom d’Allah, un essai qui montrait, avec un grand souci pédagogique, le passé et le présent de l’expansion de l’islamisme. 2084, son septième roman, poursuit cette réflexion en imaginant l’avenir, dans la foulée du fameux 1984 de George Orwell : un empire théocratique, l’Abistan, dominé par la figure d’Abi, « délégué » sur Terre d’un dieu impitoyable, nommé Yölah. Partout des portraits d’Abi, que personne, en ­revanche, ne peut voir jamais, partout des surveillants et des contrôleurs, chaque semaine des exécutions ­publiques hautement mises en scène. Des habitants maintenus dans l’ignorance, leurs journées occupées à de multiples prières, leur liberté entravée par d’innombrables interdits. « Une bigoterie bien réglée, érigée en monopole et maintenue par la terreur omniprésente. » Rien n’a existé avant la « Grande Guerre sainte », qui a permis la victoire contre les « ennemis ». En Abistan, toute mémoire a été effacée. Et la langue, simplifiée, pour « éviter les pensées trop complexes ».

La fable est puissante, l’humour, ­ravageur, le propos, glaçant. 2084 est un livre hors du commun, une mise en garde adressée par l’auteur à ceux qui, selon lui, sous-estiment le danger islamiste. « Dormez tranquilles, bonnes gens », écrit Boualem Sansal dans un « avertissement » placé en tête du ­roman. Ceci est « une oeuvre de pure ­invention. […] Tout est parfaitement faux et le reste est sous contrôle ». — Michel Abescat

 

Egalement disponible : Romans 1999-2011, éd. Gallimard, coll. Quarto, 1 248 p., 29 €.

 

Ed. Gallimard, 288 p., 19,50 €.

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